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Les Carnets du Lépidoptériste Français

- Pourquoi les papillons disparaissent-ils ?

Attention, ne généralisons pas, tous les papillons ne disparaissent pas ! Certains apparaissent même, comme le Brun du Pélargonium, petit Lycène d'origine sud-africaine qui en l'espace de moins de dix ans a envahi presque la moitié des départements français.

Avant toute chose, il faut être conscient que les populations de papillons ne sont pas statiques. Leurs limites de répartition résultent d'un équilibre sans cesse remis en question, et fluctuent donc plus ou moins, notamment au gré des épisodes de sécheresse, de canicule, l'état des populations de plante-hôtes ou de parasites. De même les effectifs des populations à l'intérieur de cette aire peuvent être plus ou moins élevés selon les années. Il n'est donc pas facile de dégager des véritables tendances de fond dans la durée. Telle espèce que l'on croyait disparue va tout à coup se montrer commune, alors que telle autre réputée banale deviendra difficile à trouver plusieurs saisons de suite.

Avant d'annoncer avec certitude qu'une espèce se raréfie, il faut donc être extrêmement prudent. Il faut disposer de séries d'observations étalées dans le temps, effectuées selon des méthodes appropriées à l'espèce. Il faut également se garder de généraliser ce qui a pu être observé dans une localité ou une région. Telle espèce en régression ici pourra être en expansion ailleurs...

Inversement, il est plus facile de constater la destruction des milieux. Or, les liens entre la survie des milieux et celle des papillons sont manifestes. C'est notamment le cas lorsqu'un papillon est inféodé à une plante bien particulière, ayant des exigences bien précises. C'est parfois moins évident pour des espèces réputées polyphages et répandues.

De façon générale, nous disposons en France d'éléments objectifs pour dire que certaines espèces de papillons, surtout diurnes, ont considérablement régressé depuis le début du XXème siècle. Ce phénomène s'est produit en même temps que s'opéraient des profondes mutations des paysages : remembrement en milieu rural, urbanisation, abandon des pratiques pastorales et des vergers familiaux, assèchement des zones humides. Certains milieux ont fortement souffert de l'activité humaine, notamment dans les espaces ouverts des zones de plaine.

Plusieurs espèces ont disparu de départements entiers au cours des dernières décennies. Ce sont notamment des Mélitées, des grands Satyrides, ou des Hespérides. Des papillons inféodés à des Graminées ou des plantes basses, hôtes caractéristiques des prairies et des milieux ouverts. Il est difficile de ne pas voir un rapport entre la disparition des papillons et la régression de ces milieux. D'aucuns supposent en outre que les végétaux nourriciers ont pu concentrer des pesticides toxiques pour les chenilles.

Les cas de disparition ne sont pas tous élucidés. En Ile-de-France, on a assisté vers le début des années 1980 à l'extinction soudaine de plusieurs espèces, n'entrant pas dans le cas de figure ci-dessus. Des Phalènes comme l'Ennomos rongée (Ennomos erosaria) ou l'Ennomos du Frêne (Ennomos fuscantaria), auparavant assez fréquentes, n'ont pas été revues depuis cette époque ; or, il s'agit d'espèces forestières vivant sur des feuillus.

Gardons nous toutefois de ne considérer que les disparitions. Prenons l'exemple de la Petite Tortue (Aglais urticae). Dans les années 1970, elle était régulièrement le premier papillon à se manifester au sortir de l'hiver en Ile-de-France. Trente ans après, elle n'est presque plus jamais citée parmi les observations printanières. Ironie du sort, elle a été détrônée par ... le Vulcain (Vanessa atalanta), qui en 1975 n'hibernait même pas sous nos latitudes, attendant juin pour se manifester.

Certes la Petite Tortue n'a pas disparu d'Ile-de-France. Toutefois elle semble avoir accusé une phase de déclin assez notable. Plus généralement, depuis quelques années, les biologistes tentent d'attirer l'attention sur la régression " rampante " de la faune " ordinaire ". Mais pour obtenir des moyens, il est nécessaire d'objectiver le phénomène... C'est tout le sens des opérations de suivi temporel, du type " Suivi des Papillons de Jardin ", qui commencent à se développer dans notre pays.

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