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Les Carnets du Lépidoptériste Français

- En France, quels sont les Papillons les plus rares ?

La notion de rareté est toute relative. Elle traduit en général la difficulté pour les Lépidoptéristes d'entrer en contact avec telle ou telle espèce, et de la reconnaître. Cela ne signifie pas nécessairement que les effectifs de l'espèce sont faibles... Peut-être a-t-elle tout simplement des modes de vie très différents de celui qui la recherche.

Un veilleur de nuit pourra vous dire en toute bonne foi que le soleil a été rare cette année, même si pour le météorologiste tous les records d'ensoleillement ont été battus. Il est en est de même lorsqu'on écoute des discussions entre entomologistes. Untel vous soutiendra que telle espèce est rare, alors qu'un autre vous soutiendra qu'elle est banale et qu'il la voit tous les jours dans son jardin. Et au fond, ils auront tous les deux raison... chacun de son point de vue.

Un éminent lépidoptériste (F. Moulignier) avait coutume de dire qu'il n'y a pas d'espèce rare, et qu'il suffit d'être " au bon endroit au bon moment ". On pourrait trouver toutes sortes d'exemples qui illustrent la justesse de ce propos. En précisant toutefois que pour observer certains migrateurs, le lieu et le moment ne sont pas toujours faciles à prévoir...

Rare, le Bombyx Isabelle (Actias isabellae), superbe géant vert découvert tardivement en France ? Non, pas vraiment, car sitôt connue la biologie de l'espèce, cette dernière a été trouvée en maintes localités où elle est considérée comme abondante.

Rare, le Bombyx des Buissons (Lemonia dumi), que l'on rencontre peu fréquemment dans les collections ? Oui, en un sens, car localisée dans l'espace et volant peu de temps à une période inhabituelle (début novembre) ... mais pas pour l'éleveur qui, ayant obtenu l'émergence d'une femelle à la bonne époque, se trouve littéralement poursuivi par des nuées de mâles virevoltants!

Que dire de la Noctuelle Cucullia scrophulariae, presque jamais observée à l'état de papillon, mais dont la chenille est abondante début juin sur la plupart des pieds de Scrofulaire ? Ou de Ulochlaena hirta, Noctuelle méridionale remarquablement discrète, puisqu'elle ne vole en nombre que sous la pluie battante d'octobre?

De façon générale, les espèces dites " rares " sont souvent soit localisées (pour des raisons historiques, et/ou suite à une exigence particulière), soit répandues mais résistantes à nos méthodes usuelles de prospection (Voir rubrique pratique " Observer les papillons ").

Bien sûr, il existe en France des espèces (généralement en limite de répartition) qui ne sont connues que d'une unique localité et qui peuvent prétendre à ce titre au qualificatif de " rares ". Mais ce terme n'est souvent valable qu'en France (l'espèce pourra être banale chez nos voisins), et cela n'empêchera pas qu'un entomologiste immergé au coeur de la dite station y constate l'abondance du papillon.

Méfions-nous aussi de la dimension temporelle : certaines espèces peuvent rester très discrètes des années durant, et se montrer massivement certaines années. Dans ce cas, il est souvent difficile de savoir si l'on a affaire à une espèce dont les effectifs varient, ou à un papillon dont l'aire de répartition se modifie !

Pour terminer, un peu de psychologie... Avouer qu'on considère une espèce comme rare, cela traduit finalement un manque personnel de culture, d'imagination ou de flair... C'est pourquoi, lorsqu'on vous cite le nom de n'importe quelle espèce, n'hésitez pas à la traiter de banalité, cela vous mettra bien mieux en valeur !

En ce qui nous concerne, nous nous fixons comme règle personnelle, dans ce site, de ne jamais utiliser les mots " rare " ou " commun " dans l'absolu. Nous essaierons plutôt de préciser les exigences des espèces, pour faciliter leur rencontre.

Après tout ce qui vient d'être dit, nous pouvons à présent conclure avec certitude... Des papillons rares, en France ? Il n'y en a pas !

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