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Les lépidoptères dans le Nord

Sphingidae Macroglossinae

Proserpinus proserpina Pall.

Le Sphinx de l'Epilobe, le Sphinx de l'Oenothère

Nourriture de la chenille : Epilobes, parfois Oenothères


Références : Id TAXREF : n°54837 / Guide Robineau (2007) : n°71

Proserpinus proserpina Pall. adulte - ©Philippe Mothiron
Peyraud (Ardèche), 5 juin 2011. Photo Philippe Mothiron

Etat carte : à actualiser

Voir texte ci-dessous

A propos des cartes


Répartition française : Probablement toute la France.

Bibliographie espèce :

Pour en savoir plus...

Comment le reconnaître ?

Le Sphinx de l’Epilobe est impossible à confondre avec d’autres espèces. Tout juste entretient-il une très vague ressemblance, au repos, avec son cousin le Sphinx du Tilleul, lui aussi d’une couleur vert olivâtre. Mais le Sphinx du Tilleul est beaucoup plus grand (envergure 55-75 mm contre 36-45 mm), la bande centrale sombre de ses ailes antérieures est généralement étranglée ou fractionnée.

Les deux espèces sur le même drap : y’a pas photo !

Par ailleurs, l’abdomen du Sphinx de l’Epilobe est très caractéristique. Court et trapu, il présente des écailles latérales transformées qui lui confèrent une plus grande agilité en vol, un peu à la manière des colibris.

Mais la particularité unique du Sphinx de l’Epilobe réside dans ses ailes postérieures jaunes plus ou moins vives bordées de noir, très visibles notamment lorsque le papillon est en vol stationnaire devant une fleur.

L’espèce varie par la teinte fondamentale, qui peut contenir diverses proportions de brun et de vert . Selon les individus, la tache sombre des antérieures est plus ou moins visible sur la bande médiane. Par ailleurs cette dernière est d’une largeur assez variable.

Le mâle se distingue de la femelle par ses antennes légèrement plus épaisses.

Où, quand, comment le rencontrer ?

Le Sphinx de l’Epilobe se rencontre surtout d’avril à juin, plus rarement en août-septembre (seconde génération, sans doute partielle, essentiellement dans le sud).

L’espèce peut être rencontrée presque partout en France, y compris en Corse où elle a été découverte assez récemment.

Et pourtant, l’espèce bénéficie d’une protection nationale, privilège généralement réservé à des espèces strictement localisées. A vrai dire, cette protection nous semble un brin excessive. Mais elle s’explique... par le côté original et spectaculaire du papillon (on sait que parmi les candidats à ce genre de protection, on favorise davantage les Sphinx colorés que les Pyrales grisâtres...), mais aussi parce que le Sphinx de l’Epilobe a toujours été précédé d’une réputation de rareté, à notre avis un peu usurpée.

Cette réputation vient sans doute des moeurs crépusculaires de notre Sphinx. Souvent, on n’a pas encore l’usage de la lampe de poche que déjà le Papillon commence à parcourir la campagne, butinant les Silènes, les Orchidées, les Vipérines, les Sauges des Prés, les Consoudes... A cette heure les pièges lumineux ne sont pas encore allumés, ou, s’ils le sont, ils sont encore peu attractifs. Certes il arrive que des Sphinx de l’Epilobe se laissent prendre à la lumière, mais cela suppose qu’ils soient passés très près d’une lampe au crépuscule.

Si l’on surveille les fleurs ci-dessous dès le coucher du soleil, la rencontre d’un Sphinx de l’Epilobe est un événement fréquent, voire banal dans certaines régions. Dans les biotopes favorables, on peut en observer deux ou trois par soirée. L’espèce peut même se rencontrer en ville. Par ailleurs, elle a déjà été observée butinant dans la journée en plein soleil (ce qui semble toutefois exceptionnel, d’autres exemplaires ayant été trouvés de jour bien endormis).

Les localités les plus favorables pour observer le papillon sont les sites où cohabitent des milieux humides (où croissent les Epilobes) et les milieux secs (où se trouvent abondamment les plantes nectarifères). Mais on peut rencontrer ce Sphinx dans un seul de ces milieux, où il peut trouver occasionnellement diverses plantes qui lui conviennent.

Les premiers états

La chenille vit généralement sur les Epilobes (surtout Epilobium hirsutum et E. angustifolium), plantes des milieux humides, mais aussi parfois sur les Onagres (ou Oenothères), qui affectionnent plutôt les terrains alluvionnaires ou les remblais. Grâce à cette seconde plante nourricière, l’espèce peut donc se rencontrer au voisinage des villes. D’autres plantes ont également été citées, plus exceptionnellement, comme la Salicaire (Lythrum salicaria).

L’originalité de la chenille est de déroger à la sacro-sainte règle concernant les chenilles de Sphinx : elle ne porte pas d’appendice caudal en forme de corne. Cela dit, on lit parfois que la chenille du Sphinx de l’Epilobe est la seule dans ce cas en France, ce qui n’est pas exact. La chenille du Sphinx Chauve-Souris (Hyles vespertilio) ne porte pas non plus de « corne ». Attention : dans certaines régions les deux Sphinx « sans corne » cohabitent et les chenilles peuvent se rencontrer en même temps sur les mêmes plantes nourricières (en l’occurrence, généralement l’Epilobe à fleur de romarin). Pour l’anecdote, la chenille du Sphinx de la Vigne n’est pas rare, elle non plus, sur les Epilobes (mais on la reconnaîtra par sa petite corne).

Les oeufs sont pondus isolément, sur la plante nourricière, en plein vol. Il n’est pas rare que la femelle dépose plusieurs oeufs sur le même plant, généralement sur le dessous des feuilles. La jeune chenille, verte et sans corne donc, se confond parfaitement avec les tiges florales de la plante nourricière. Elle se nourrit essentiellement la nuit. A l’avant-dernier stade, elle présente sur les stigmates des points noirs bien marqués. Ce n’est qu’au dernier stade que l’espèce arbore sur son segment anal, en lieu et place de la « corne » sphingidienne, un petit disque corné caractéristique, orné d’un point noir en son centre.

Arrivée à sa taille maximale, la chenille est assez imposante (environ 6 centimètres). La forme la plus courante est de couleur fondamentale gris sombre, avec des flancs plus clairs, à l’exception de cercles foncés qui entourent les stigmates. Mais il existe aussi des formes vertes, ou gris-vertes. On retrouve d’ailleurs cette variabilité chez la plupart des espèces de Sphingides : voir à ce sujet Polymorphism in hawkmoths larvae (P. Mazzei, D. Reggianti).

La chenille à terme se cache dans la journée au sol ou dans les parties basses de la plante, se nourrissant toujours de nuit. Elle est souvent observée lorsqu’elle déambule à la recherche d’un endroit pour se nymphoser. Elle se chrysalide dans le sol, ou à même le sol sous des feuilles sèches. Si elle ne donne pas lieu à une seconde génération, la chrysalide hiberne. Il n’est pas exceptionnel d’ailleurs qu’elle reste en sommeil deux hivers consécutifs.

L’espèce est-elle menacée ?

En fin de compte, le Sphinx de l’Epilobe n’apparaît pas comme menacé. Au contraire, il fait preuve d’une bonne plasticité écologique (capacité à s’adapter à des milieux différents). Par son corps robuste et son vol rapide, il dispose d’une bonne capacité de dispersion pour établir de nouvelles colonies. Il est d’ailleurs généralement considéré comme un « semi-migrateur ». On peut de ce fait se demander si ses populations de l’extrême nord du pays sont permanentes, ou simplement alimentées de façon irrégulières par des migrations.

De plus il semble que les citations de cette espèce soient de plus en plus nombreuses et fréquentes. Au cours des dernières décennies, il a été cité pour la première fois de Belgique, du Royaume-Uni, et de Corse, et il est mentionné comme espèce nouvelle dans les mises à jour récentes de plusieurs inventaires départementaux (Sarthe, Manche...). Est-ce l’effet de sa notoriété acquise du fait de sa protection ? Cela vient-il d’une meilleure connaissance des moeurs du papillon ? Ou le réchauffement du climat favorise- t-il cet insecte ? En tout cas, certaines régions d’Allemagne n’ont pas hésité à retirer ce Sphinx de leurs listes d’espèces menacées, où le papillon avait tout d’abord été inscrit.

Il n’en reste pas moins vrai que les populations de l’espèce peuvent être localement mises en danger par des projets d’aménagement entraînant l’assèchement de zones humides, l’intensification du trafic routier (qui présente un risque pour les chenilles en quête de lieu pour la nymphose) ou la disparition de prairies fleuries.

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